jeudi 18 août 2011

Le discours de KRISHNAMURTI (Le déconditionnement, clef de la vie) - 2° partie



LE DÉCONDITIONNEMENT, CLEF DE LA VIE
 
"Dans ses faux embrassements, la courtisane est comme le mercenaire
qui serre un mort entre ses bras pour l'ensevelir".
      
KOURAL
  
La dissolution de l'Ordre de l'Étoile d’Orient pouvait s'appliquer à n'importe quelle organisation de la pensée et du sentiment, qu'elle fut religion, politique, philosophie, ésotérisme, initiation. Sa portée dépassa l'événement historique qui lui servit de prétexte ; car l'œuvre fut d'une dimension exponentielle. A travers KRISHNAMURTI, ce fut la liberté et la libération de l'Homme de tous les carcans idéologiques, dogmes et cultures, qui vécurent leurs prémisses.
 
Depuis l'enfance, l'être humain est conditionné par le milieu parental, l'école, la religion dogmatique, l'armée, la police, la politique, la propagande, la culture, la publicité, et cœtera… L'intention est d'inculquer des habitudes de penser, sentir, aimer, manger, se comporter, et cœtera... qui seront des référents pour la vie sociale ; une seconde nature. Se plier aux règles, us et coutumes, les enseigner aux autres, ce sera le moyen de se faire reconnaître par le microcosme social comme un citoyen honnête. La culture est la programmation sociale de l'individu selon les desseins de l'histoire.
 
Les organisations religieuses surent inventer et mettre au point la plus diabolique technique de mise en condition psychique et psychologique, jamais connue. Les méthodes de dépersonnalisation de l'armée s'en sont inspirées (tous doivent marcher au pas et n'avoir qu'une tête...; être sous contrôle, obéir au doigt et à l'oeil). Les partis politiques et  églises se firent de mutuels emprunts en matière de conditionnement mental et comportemental. Pourtant, à l'instar de KRISHNAMURTI, les Hommes savent recouvrer leur liberté quand leur survie en dépend.
 
Tous les Puissants cherchent à standardiser le comportement par l'uniformisation de la pensée et du sentiment. Ils s'appuient sur toutes les organisations idéologiques qui sont susceptibles de les servir dans leurs desseins de programmation psychique et contrôle mental. Ainsi, les États n'hésitent pas à flirter avec les grandes Religions institutionnalisées quand cela leur est utile, bien que, pour certains, la laïcité soit inscrite dans leurs Constitutions gouvernementales. Endormir la pensée en garnissant l'estomac, fournir des jeux guerriers et publier des émissions télévisées sur l'ordre policier, salvateur, est au programme des psychologues et spécialistes des mentalités. Quant à la justice, juste, c'est à dire celle qui sert l'éveil de la conscience et non pas l'ordre absolu exigé par les diplomates et autres prédateurs sociaux, la vocation des systèmes politiques n'est pas de l'honorer.
 
Les religions actuelles sont des sectes , au sens étymologique du terme. Elles ont vocation à hypnotiser les foules de par le fait même qu'elles enseignent des dogmes ; la politique, qui n’est qu’une guerre non sanglante (la guerre étant une politique sanglante), aussi.
 
En ce contexte, KRISHNAMURTI fit figure de précurseur de la libération individuelle qui doit être résolue par chacun, pour soi-même. Car, en l'occurrence, une organisation possédant un but spirituel est une incongruité. La liberté est intérieure, d'abord. L'amour et la connaissance sont le moteur positif pour la vie sociale.
 
En vertu de ces constats, les applications sont évidentes. Aucun privilège ne se justifie s'il s'interpose entre la Vérité objective et soi-même. Autrement la cristallisation du savoir devient fossilisation et aboutit à la formation d'un nouveau culte. Aucune autorité absolue n'est donc justifiable, à posteriori. Mais, alors, par quoi doit-on remplacer la lettre, si l'esprit en est absent ? La liberté, toute nue, est-elle supportable ? Pour tous !
 
Ces problèmes, nouveaux dans la mesure où ils apparaissaient en pleine actualité avec KRISHNAMURTI, ne furent pas considérés comme innocents par ceux qui, sous l'autorité d'un autre, l'avaient autrefois accepté comme Instructeur. Car leurs piédestaux s'ébranlaient et ils allaient chuter avec les illusions lavées par le torrent de la réalité. Mais, certains se rassurèrent car ils savaient, aussi, que la plupart des gens allaient continuer dans le contentement des mots et grandes idées, non réalisées comme auparavant. La nature de l'Homme est ainsi !
 
La croyance est un abri pour les faibles, qui les protège de la liberté. Certes, d'aucuns pourront se révolter à cette idée, arguant qu'ils sont libres de croire ou ne pas croire. Pourtant, cette formule elle-même prouve que, là encore, il s'agit d'un acte de foi car elle s'articule toujours autour du mot "croire" ; cette ellipse s'apparente à la question piège du camelot: "Voulez-vous 100 kilos de patates ou 25 kilos", demande-t-il à un client manipulé, alors que celui-ci n'en veut pas du tout mais, afin de se libérer de l'agression, accepte lâchement d'en prendre 25 kilos dont il n'a que faire ! Le fait de ne vouloir pas croire est encore une forme de croyance ; en effet, la science repose sur l'observable et la reconnaissance des lois naturelles dont l'approche est, d'abord, subjective.
 
Les anciens Hommes avaient observé que le soleil se lève à l'est et se couche à l'ouest ; mais ils ne savaient encore pas qu'il s'agissait d'une illusion car les moyens astronomiques de la découverte leur échappaient. Les primitifs commirent l'erreur de prendre une apparence pour la réalité finie. Incapables d'aller plus loin, certains transformèrent cette croyance en religion. Au fil des millénaires, les religions solaires furent créées sur la base d'une vérité subjective, erreur scientifique. Pire même, la projection de la subjectivité et de ses fantasmes, sur la réalité, déforma l'appréhension objective des faits, comme à travers un prisme et engendra un sur-moi collectif, répressif et intolérant. Le résultat fut la dogmatique qui aboutit à l'assassinat des incroyants. Même l'Église catholique et romaine n'y échappa point ; elle condamna GALILÉE et Giordano BRUNO pour des raisons identiques.

Nos aïeux ne voyaient jadis, dans l'univers, que des clous d'or qui parsemaient la voûte bleue du firmament. Aux yeux des plus savants théologiens, la terre n'était pas seulement un monde, elle était le monde et ce monde était plat au lieu d'être rond ; il était immobile au lieu de rouler dans l'espace. A une certaine profondeur, on plaçait l'enfer, éternel séjour des réprouvés et des démons ; au-dessus, la sphère des éléments où le feu succède à l'air ; puis les sphères de Mercure, de Vénus, du Soleil, de Mars, de Jupiter et enfin de Saturne, septième et dernière planète qui jouissait d'une assez mauvaise réputation. Plus haut, on voyait le firmament solide où étaient attachées les étoiles fixes ; puis le merveilleux neuvième ciel, le premier mobile ou cristallin et enfin l'empirée, séjour des bienheureux.
 
Cet ingénieux système fut enseigné explicitement dans la Somme Théologique de Saint THOMAS d'AQUIN, et servit de base aux décisions de plusieurs conciles. Aux yeux des plus fameux docteurs, le soleil n'était qu'un flambeau placé dans quelque coin de l'espace, pour éclairer notre petit monde, en se promenant tout autour. On comprenait dés lors facilement que Josué l'eut arrêté quelques heures pour achever le massacre des Gabaonites. La terre était censée reposer sur quelque fondement fixe, et ne pouvait être habitée qu'à la surface, d'en haut. Celle d'en bas était inconnue, et si quelque esprit téméraire s'avisait de soupçonner les antipodes, on lui demandait en haussant les épaules, comment des Hommes pouvaient vivre la tête en bas.
 
LACTENCE, dont son "Traité de la fausse sagesse", gourmande ainsi les insensés qui osent prétendre que la terre pourrait bien être ronde :
   
 « Que dirons-nous de ceux qui croient aux antipodes et mettent des êtres contre nos pieds ? Peut-on être assez inepte pour croire qu'il y a des Hommes dont les pieds sont plus hauts que la tête ? Des pays où tout est renversé, où les fruits pendent en haut, où les cimes des arbres tombent en bas ? Que les pluies, les neiges et la grêle tombent de bas en haut ? N'admirons plus les jardins suspendus et ne les mettons plus au nombre des sept merveilles, car voici des philosophes qui suspendent dans les airs les champs et les mers, les villes et les montagnes. On trouve les germes de cette erreur chez ceux qui osent prétendre que la terre est ronde ».
 
Cependant, en dépit de LACTENCE et d'autres docteurs de sa force, COPERNIC et GALILÉE démontrèrent, jusqu'à l'évidence, l'absurdité du vieux système astronomique. La science, armée du télescope, fit voler en éclats le fameux cristallin et ouvrit une magnifique trouée sur l'infini. Grâce à ses découvertes et à ses calculs incontestables la terre, au lieu d'être le monde, n'est plus qu'un petit astre tournant avec une vitesse vertigineuse autour du soleil, et les planètes, ses sœurs, ne sont plus que les terres du ciel ! Foudroyé et ravi, saisi d'un rire divin, GALILÉE communiqua au monde sa découverte ou plutôt sa vision par le « Messager des étoiles ». Sa révélation fut comme la bible de la lumière, le ravissement de la certitude, le fait supprimant le doute. DIEU se trouvait élargi en même temps que son œuvre. KEPLER, au nom du genre humain, salua le Christophe COLOMB des cieux.
 
Cette conception nouvelle de l'univers devait bouleverser de fond en comble la vieille théologie et Rome le comprit. De là le procès fameux intenté par l'Inquisition à l'illustre astronome de Florence. Quoi qu'on en ait dit, ce n'était pas la personne de GALILÉE qui était en cause, mais sa découverte. La raison profonde qui le fit condamner est la même qui mit BACON, COPERNIC, DESCARTES à l'index ; celle qui fit brûler Giordano BRUNO "pour l'hérésie de la nouvelle science du monde". Malgré toutes les précautions qu'il prit pour ne point effaroucher le Saint Office, l'illustre vieillard GALILÉE dut comparaître devant une commission de huit cardinaux, présidée par le Pape URBAIN VIII. Il se vit contraint de se mettre à genoux et de prononcer la formule suivante :
  
 "Moi, Galilée, dans la soixante dixième année de mon âge, étant constitué prisonnier et à genoux devant vos Éminences, ayant devant les yeux les saints évangiles que je touche de mes propres mains, j'abjure, je maudis et déteste l'erreur et l'hérésie du mouvement de la terre".
 
Qui pourra comprendre et raconter les angoisses intimes du génie qui prononçait de telles paroles ? Rentré dans sa cellule, GALILÉE eut un moment de colère sublime. Frappant du pied le plancher de sa chambre, il s'écria : "E pur se muove" (et pourtant elle tourne).
 
Oh ! Oui, la terre continuait de tourner, malgré les cardinaux et tous les Théologiens, qu'elle emportait dans sa course vertigineuse. GALILÉE fut condamné à la prison perpétuelle et ses œuvres furent mises à l'index. Elles y restèrent encore, jusqu'à l'an 1993, pendant que le savant P. SECCHI enseignait son système à Rome, avec l'assentiment du successeur de l'infaillible URBAIN VIII. La papauté, par ce procès mémorable, se créa bien des embarras, mais elle se montra perspicace. Elle sentait qu'une grande question allait surgir, et cette question, la voici :
 
"D'un côté est le livre des canons ecclésiastiques et des décrets du saint Siège, de l'autre est le livre de l'univers et des lois éternelles de la géométrie. Ces deux livres se repoussent et se contredisent. Lequel des deux devra céder à l'autre ? Sera-ce le livre des Papes ou celui de la science ? Le livre sacré devra-t-il s'incliner devant le fait immense constaté par le télescope ou bien le fait devra-t-il reculer devant le texte interprété par une autorité qui se prétend infaillible ? Question formidable qui a dû hanter comme un cauchemar l'esprit des vieux docteurs. L'astronomie devenait fort gênante comme devaient bientôt le devenir la géologie et l'histoire. Des doutes s'élèveraient sur la Genèse, l'Apocalypse ; l'économie du verbe incarné pouvait donner lieu à des discussions dangereuses. On se demanderait avec une curiosité malsaine où sont l'enfer, le purgatoire, la céleste Jérusalem si bien décrite par l'aigle de Pathmos ? Et qui sait ? Peut-être qu'un jour des esprits audacieux, à force de contempler les étoiles, pourraient conclure de la pluralité des mondes qui roulent dans l'espace, à la multiplicité des planètes habitées, pour proclamer ensuite le grand dogme scientifique de la vie progressive, ou de la pluralité des existences de l'âme, la réincarnation".
 
Mais, dans toutes les religions du monde, s'il y a un DIEU pour les ivrognes, il n'y en a pas pour les innocents !
 
La foi, la croyance, peuvent donc devenir meurtrières.
 
De nos jours, la foi en l'éventualité de tel ou tel fait, de telle ou telle réalité ou loi naturelle, n'est plus qu'un élément subjectif de départ dans la recherche fondamentale. Les résultats viendront infirmer, modifier ou confirmer le postulat d'origine. Mais, jamais, un esprit rationnel ne prendra une croyance pour la réalité finale.
 
Les croyances sont donc anti scientifiques, contraires à la raison ; elle sont une insulte à l'intelligence et une atteinte à la liberté quand elles ont vocation d’hégémonie mondiale. La foi  n’est qu’affaire personnelle et intime ; par conséquent les croyances ne doivent pas être l’objet de prosélytisme, propagande et d’évangélisation qui ne sont que des viols de la conscience individuelle.

Les preuves sont partout. Aucun « credo » n'a jamais été valable ontologiquement pour transformer la conscience profonde de ceux qui la professaient ; ils sont restés tout aussi médiocres ou indigents qu'auparavant. Aucune organisation ne créa de grands Hommes mais, plutôt, certains Hommes furent grands malgré tous les systèmes de pensée. Leur mérite fut d'autant plus fort qu'ils eurent, non seulement à lutter contre leur propre ignorance mais, aussi, contre des organismes qui voulaient les exploiter pour leur bien !
 
Le propre des organisations de la pensée et du sentiment est la promotion des idées de quelques-uns au détriment des autres. C'est la guerre pour la suprématie de la parole afin de convaincre autrui de sa propre supériorité ; que le meilleur gagne ? Non, ce sont presque toujours les pires qui ont le succès, et pour cause. Comprenne qui pourra ! Ce climat ressemble plus à une bataille commerciale pour la suprématie sur un marché... des dogmes, qu'à une démarche philanthropique, voire spirituelle, devant apporter une aide globale à l'Humanité et au Vivant.

L'exemple est de partout. On aime les Animaux pour les manger ; comme on aime les Humains pour les exploiter ! Alors on leur offre des abris idéologiques qui les protègent contre l'orage salvateur, qui secouerait le monde mais ne viendra pas pour les faibles et indifférents. L'orage doit venir, il viendra, mais à travers des individus et jamais par des organisations. Ce sera ce constat d'hyper lucidité qui motivera KRISHNAMURTI, sa vie durant.
 
KRISHNAMURTI insistait sur une réalité primordiale : afin de parvenir à l'harmonie de la paix intérieure et nous orienter vers la libération, il nous faut abandonner ce qui n'est pas essentiel. Aucune organisation ne détient la Vérité ni ne peut nous mener vers elle ; ni les évangiles, ni le coran, la bagawaat gîta, ni aucun texte sacré ou politique, non plus. Leurs auteurs ne sont que des Hommes, empêtrés dans leurs limites et limitations, comme tout un chacun en ce monde. Une pyramide possède plusieurs inclinaisons menant vers le sommet ; tant que quiconque en emprunte une seule, il peut croire en sa valeur quasi absolue et, s’il est un fanatique borné, meurtrier, son intolérance le portera, soit à faire du prosélytisme, soit à détruire toute idée contraire à la sienne. S’il comprend que tous les pans conduisent au sommet, la Vérité, dès lors il navigue de pentes en pentes en ne s’identifiant à aucune. L’Essentiel est de monter vers la Lumière.
 
La Vérité ne peut être contenue, ni par un système, ni par un être humain ou bien quelque extra terrestre, supposé. Car il existe toujours une Vérité supérieure à celle du moment historique d'une civilisation, d'un cycle, d'un être vivant, d'un fait. L'exemple de l'eau chaude et froide est probant en la matière.
  
Si nous prenons de l'eau à 12° degrés et, à côté, de l'eau à 13°, l'une sera froide et l'autre chaude. Mais, si nous plaçons de l'eau à 14° ce sera celle-ci qui deviendra chaude et les précédentes deviendront froides. Derrière des Vérités objectives se cachent des Vérités subjectives et, à l'infini. L'Homme, comme l'animal et la plante, peut-il créer un environnement purement subjectif, à travers l'imagerie limitée de ses 5 sens ?
   
Pour la fourmi, un arbre n'est probablement qu'un univers de vallées et montagnes, animé de sourdes vibrations internes. La dimension totale du végétal lui échappe. Un animal plus élaboré verra l'arbre selon d'autres dimensions. Pour un Homme primitif, un aérolithe n'était qu'une punition divine ; aujourd'hui, le DIEU des Hommes n'a rien à voir avec la chute d'un météorite. Il faudra arriver, tout de même, à l'abolition de l'idée du fantastique dans la réalité.
 
Le déconditionnement culturel est la clef de la liberté car il permet l'ouverture de l'être vers la Vérité, qui n'est pas un acquis mais, au contraire, le fruit du dépouillement des pseudo certitudes et convictions. Elle est l'état d'une conscience totalement éveillée et achevée dans l'intuition de son exponentialité dont la projection, sur le monde, est seule salvatrice.

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