vendredi 2 septembre 2011

Mon Père m'a dit...



Prologue
 
Le texte qui va suivre revient à un homme qui a disparu. Déporté pendant la guerre 1939/1945, il avait fait l’objet d’une exécution à blanc. Il en sortit complètement marqué, à jamais ; écœuré, pitoyable dans sa souffrance, grand dans sa dignité. Son document nous avait été confié, en 1968, pour paraître dans une Revue. Son impact reste toujours d'actualité ; aussi avons nous décidé de le publier. C'est un cri, une souffrance, ceux d'un homme simple mais réfléchi. Il ne comprenait rien, disait-il ; en réalité, il avait tout compris ! Comme SOCRATE à qui l’on doit la célèbre phrase :
 
« Je ne sais rien. Et cela, je le sais ! »
 
L’homme n’est rien, à la naissance ; il n’est rien dans l’existence ; il n’est rien lorsqu’il meurt. La vie est un désert où l’homme se dépouille de toute vanité, tout orgueil, en une immense immolation exponentielle. Pour un bout de vérité qui disparaît avec lui, dérisoire sillon dans le sable de l’éternité que le vent de l’oubli efface. Hommes marionnettes, qu’un invisible démiurge manipule pour un dessein obscur, nous sommes comme des zombis parmi des ombres ; mirages d’une réalité qui fuit quand on veut l’attraper car nous faisons tous, librement, ce que fatalement nous devions faire !..
 
La mort est omniprésente, partout ; à chaque instant le cœur peut s’arrêter de battre. Le cerveau se décomposera et les vers se nourriront du cadavre. Alors ? Pourquoi tant d’efforts dérisoires pour tout ce qui, de toutes les manières, n’appartient à personne : la santé, la richesse, le bonheur, la science. Où est le bien ? Où est le mal ? Ils ne sont qu’illusion devant un kaléidoscope perfide où s’affrontent les passions humaines en un combat futile et benêt. Des gens se tuent ! Pourquoi ? Pour qui ? D’autres font les lois qui seront trahies et, hier, on condamnait pour des raisons qui ne sont plus quelque temps après. Les lois sont comme une toile d’araignée où les grosses mouches passent au travers ; les petites s’y font prendre.

Les bien pensants et les mauvais pensants dansent la même ronde du grand mirage de ce monde. Le temps d’apprendre à vivre, qu’il est déjà trop tard ! Nous portons tous, une ombre ! Aussi importante que la Lumière ! Et certains veulent la lumière sans les ténèbres ! Comment pourrait exister l’une sans l’autre ? La lumière n’éclaire pas seulement ; elle féconde !
 
Où est la Vérité ? Dans le Silence du Vide.
 
A l’heure du trépas, tirez votre révérence, Mes Dames, Mes Sieurs ! Sans un cri, comme le loup d’Alfred De VIGNY.
  
Sans au revoir. Et riez, riez, riez ; mais n’espérez point. Il n’y a personne qui vous attend au bout du tunnel.
 
Car vous êtes Rien ; c’est Tout !
 

A enquerre !

Un Philosophe de la Liberté

 
Mon Père m'a dit...
 
"Si rien n'est immortel, en nous, que cette vie est peu de chose".
 
AMIEL
    
Toute ma vie, j'ai sué, peiné pour un maigre salaire, tirant et poussant ma famille, sur la route de l'existence, à la recherche de jours meilleurs. J'ai vécu des moments révolutionnaires, vu passer des gouvernements et même des républiques. A l'âge de 16 ans, j'ai su ce qu'était une usine.
 
On m'a dit :
 
« Camarade ! Tu dois faire grève pour améliorer ta condition sociale..."
 
Et je suis resté chez moi.
 
On m'a dit :
 
"Camarade ! Tu dois manifester pour la paix et la liberté..." 
 
Et j'ai manifesté.
 
On m'a dit :
 
"Camarade ! Tu dois aider tes frères d'ici et d'ailleurs à ne plus vivre en esclaves, à ne plus mourir de faim..." 
 
Et j'ai donné mon argent. Chaque fois je croyais redécouvrir la liberté et j'ai vu mes efforts inutiles, mes espérances s'envoler. A l'âge de 20 ans, j'ai marché au pas. J'ai brandi mon fusil en criant : « liberté, honneur, patrie ». J'ai tiré sur des gens qui me tiraient dessus. On m'a fêté et même décoré. Puis, j'ai retrouvé le chemin de l'usine où j'ai recommencé à suer et peiner pour un maigre salaire... Alors, on m'a oublié...
 
Pendant longtemps, j'ai regardé vivre les autres. Ceux qui ont tellement d'argent qu'ils disent que ça ne compte pas ; ceux qui ont tellement de liberté qu'ils ne savent qu'en faire...
 
Alors,
 
J'ai compris,
 
Que je n'étais pas de ce monde !

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