samedi 7 avril 2012

Les vrais mystères de la pensée indoue à la lumière d'Occident (Introduction à la Bhagawat Geeta - 4° volet)



Aucune religion n'est supérieure à la beauté d'une fleur.

I) SUR LE CHAMP DE BATAILLE DE KURU-KSHETRA


« Le mot éveil, quand l’analogie n’est pas comprise, donne à croire que l’homme est un endormi capable d’éveil, alors qu’il est tout entier, de jour comme de nuit, une figure du rêve que le Réel dissipe ».

Jean d’ENCAUSSE
La philosophie de l’éveil


(Arjun - Vishad: le désespoir et le découragement d'ARJUNA)


I.1 DHRTARASTRA DIT :

"O SANJAYA, qu'ont fait mes fils et les fils de PANDU après s'être assemblés au lieu saint de Kuru-Kshetra, prêts à livrer bataille?"

La scène de la bataille se déroule dans une plaine située prés de Delhi, entre l'Indus, le Gange et les Himalayas. Est-il possible que sous le prétexte d'une banale querelle de succession au trône royal, KRISHNA avalise la disparition de 640 millions d'hommes ?

KRISHNA est assimilé au DHARMA, la loi, qui désigne la propriété inhérente aux facultés de chaque partie de la création, ou à l'homme global, ou même à toute chose dans le cosmos. Ainsi, il est dit que le DHARMA du feu est de brûler. Le DHARMA de l'Homme est la « Réalisation de sa conscience »; mais il est responsable à la retarder en pratiquant l'ADHARMA (l'irrespect des lois du DHARMA). Par conséquent, le champ de bataille résume le combat des humains entre eux, entre ceux qui obéissent au DHARMA et les autres qui ne l'observent point, entre les "spiritualistes" et ceux qui accumulent richesses et "avoir" contre les premiers...! Il s’agit de l’ambivalence au sein de la vie, entre les pulsions destructrices et créatrices qui, toutes deux, ont leur rôle à jouer dans l’équilibre universel.

Les Védas n'étaient pas en retard sur notre siècle. Avec les récentes découvertes sur le Vide quantique, avec ses « cordes », il est impossible, actuellement, de concevoir la matière autrement qu’à travers la conception, quasi abstraite, de « forces dynamiques, virtuelles ». Sans qu’il faille conclure, sommairement, à la solution d’un problème d’essence exponentielle. Autrement dit, nous ne pouvons pas "savoir" ce qu'est le bismuth mais uniquement le phénomène que produit l'agencement intra-atomique de l'énergie spécifique de ce même métal. Cette proposition était celle des anciens Aryas, laquelle contenait aussi un constat fondamental: Ce qui perçoit réellement les phénomènes est le SOI (KRISHNA).


Le père des KURUS, DHRTARASTRA, sait que ses fils seront vaincus puisque KRISHNA est réalisé à l’intérieur des PANDUS. Dans le champ sacrificiel de l’existence, où l'homme est à la fois l'autel et le sacrifice, le DHARMA reprend ses droits. Les Aryas, dont le mythe de TUBALCAÏN reprend la légende en occident (confer: Voyage en orient de Gérard de NERVAL), considéraient l'Homme, en son essence, comme étant le char de DIEU (le SOI). De ce fait, ils levaient les yeux vers lui, au lieu de les baisser comme le font les judéo-chrétiens devant le dieu moïsiaque, jaloux, belliqueux, et cruel de la Genèse.



Le vieux Rajah DHRTARASTRA, aveugle, symbolise donc la Matière que le SOI anime, certes, mais qui reste à l’état de latence quand il n’est pas « Réalisé » au niveau ontologique. Le Gange, qui délimite la zone de combat, définit aussi le cours sacré de la vie spirituelle, incarnée par le SOI. Coulant à travers les sphères surréelles, il arrive dans la matière où il se manifeste, jusqu'à l'instant où il retourne à la mer cosmique, en toute conscience. La plaine est sacrée car elle est le temple du DHARMA ou bien le "corps acquis par le Karma"... Nous verrons plus loin ce qu’il convient d’entendre par ce vocable.

Le combat entre les KURUS et les PANDUS se déroule plus réellement à l’intérieur du corps humain, conçu et formé par le karma dont nous analyserons les fondements. Les cinq sens correspondent à ce que la tradition tantrique nomme les cakras :

- Muladhar (la terre – l’odorat)

- Svadhishthan (l’eau – le goût)

- Manipur (le feu – la vue)

- Anahat (l’air- le toucher)

- Vishudh (l’éther – l’ouie)

- Ajna (l’intellect – le 3° œil)

Tant que ces seuls cakras sont activés, l’homme reste encore un animal égotique. Il peut devenir un magicien en exploitant énergétiquement leurs pouvoirs mais il ne sera jamais un Sage ayant réalisé son SOI (KRISHNA). Pour accéder à la Réalisation du Soi, il convient de relier l’énergie d’AJNA à l’ultime cakra supérieur, au sommet du crâne :

- Sahasrar (KRISHNA – Dieu - SOI).

Le DHARMA, dont il sera question tout le long de notre étude, consiste dans la Réalisation au niveau de ce dernier cakra, ultime marche vers une divinisation de l’homme, étape vers d’autres Univers.

Cette notion de "DHARMA", reprise tout le long de la BHAGAWAT-GEETA, constitue l'explication à notre existence terrestre. La dualité principe, dont nous retrouvons l'application dans la physique (l'électricité, le magnétisme, la polarité terrestre, etc...) explique l'antagonisme social, politique, culturel, vital (vie mort). Il y aura toujours ambivalence dans le cadre de l'existence. D'un côté, existent ceux qui œuvrent pour l'évolution de la conscience; de l'autre le contraire. D'où l'explication des mondes interstellaires peuplés, selon les légendes millénaires et mythes, les uns par des Sages, les autres par des Démons. La science fiction en a repris, avec avantage, les enseignements. L'Homme a le choix entre deux voies, symbolisées par le Bien et le Mal. C'est la nécessité du choix qui justifie la vie mais la notion de responsabilité reste liée à l’Eveil de la Conscience qui, seule, détermine la réalité concrète du bien et du mal. Souvent un mal devient un bien ! L’inverse est valable.

De ce verset jusqu'au II.38°, ce sera la doctrine du SÂMKHYÂ que KRISHNA exposera à ARJUNA. Le SÂMKHYÂ est considéré, en Inde, comme le plus ancien "darçana"; il signifie la "discrimination", le but principal de cette philosophie étant de dissocier l'esprit (purusha) de la matière (prakriti). Le plus ancien traité est la "Sâmkhyâ Kârokâ" d'Ishvara KRISHNA, supposé antérieur au V° siècle après Jésus Christ.

PATANJALI fut l'artisan de la coordination du matériel philosophique, emprunté au SÂMKHYÂ, autour des méthodes de concentration, de méditation et de l'extase. Ainsi le Yoga devint un système de philosophie nulle part comparable. Ce sera de cette technique qu'il sera question à compter du verset II.39°.

I.2 SANJAYA DIT :

"O DHRTARASTRA, après avoir observé l'armée des fils de PANDU déployée en ordre de combat, le roi DURYODHANA s'approcha de son précepteur et lui tint ces propos:"

SANJAYA est le secrétaire de DHRTARASTRA. Il connaît l'issue de la bataille, par intuition, mais rassure le roi de la matière sur ses combattants; ils ne feront aucun compromis.

La matière est le moule de la forme pour la conscience. C'est elle qui conditionne et détermine le concept d'espace-temps, par le truchement du mental ou de la conscience cellulaire.

I.3

"Contemple, O ACHÂRYA, la puissante armée des fils de Pandu, disposée de si experte façon par ton brillant élève, le fils de DRUPADA."

DURYODHANA rappelle que DHRSTADYUMNA est un transfuge qui sert les PANDUS.

Les êtres vivants ont la possibilité de changer de voie... Aussi bien dans le sens constructif que destructif. Là encore le choix n'engage que leur responsabilité propre.

I.4

"Y vois-tu ces vaillants archers qui, au combat, égalent BHIMA et ARJUNA? Et combien d'autres grands guerriers, dont YUYUDHANA, VIRATA et DRUPADA au grand char!"

Une allusion est ici faite aux « yogis dits de la main gauche ». Il s’agit de magiciens qui exploitent les cinq cakras de la tradition tantrique pour manipuler la matière. Les archers représentent des magiciens capables de projeter leur énergie psychique à des fins égoïstes. Ils servent leur ego actuel et transitoire en recherchant la perpétuation de leurs instincts par une satisfaction quasi perpétuelle de leurs pulsions. Ils se veulent immortels en cristallisant une étape sur l’échelle infinie de l’Existence. Ils agissent comme les têtards qui décideraient de ne jamais devenir grenouilles.

Au Mexique, il existe un animal bizarre : l’Axolotl: (mot mexicain désignant la larve d'Amblystome - batracien Urodèle - Salamandrines - d'Amérique). Vivant dans les grottes marécageuses, obscures, du Mexique, l'axolotl possède la particularité de se métamorphoser en animal parfait (Salamandre) dès qu'il est extrait de la grotte pour être mis dans une mare à l'air libre. Auparavant, cet animal était donc prisonnier d'un cul de sac évolutif qui l'obligeait à rester à l'état larvaire et à se reproduire comme tel; sans jamais parvenir au stade de la Salamandre.

Il est possible que des humains se comportent de manière analogue, en bloquant leur évolution de manière consciente ou pas.

ARJUNA a une capacité supérieure qui provient de sa propre Réalisation du SOI.

I.5

"DHRASTAKETU, CEKITANA, KASIRAJA, KUNTIBHOJI, SAIBYA et tant d'autres encore, tous grands héros à la force remarquable!"

I.6

"Vois le remarquable YUDHAMANYU, le très puissant UTTAMAUJA, le fils de SUBHADRA et les fils de DRAUPADI. Tous sont de valeureux combattants sur le char."

Le char représente, aussi, les mondes roulant sur l'océan des forces cosmiques.

I.7

"O toi, le meilleur des brahmanas, laisse-moi maintenant te dire quels chefs habiles commandent mon armée."

Les brahmanas symbolisent les êtres qui ont choisi l'éveil permanent de la Conscience, personnelle et collective, comme Voie suprême.

I.8

"Ce sont des hommes de guerre renommés pour avoir, comme toi, obtenu la victoire dans tous leurs combats: BHISMA, KARNA, KRPA, ASVATTHAMA, VIKARNA et BHURISRAVA, le fils de SOMADATTA."

KARNA est le demi-frère D'ARJUNA, mis au monde par KUNTI avant son mariage avec le roi PANDU. Mais il s'agit aussi d'un événement cosmique, encore inexpliqué.

I.9

"Et nombre d'autres héros encore sont prêts à sacrifier leur vie pour moi, tous bien armés, tous maîtres dans l'art de la guerre".

Tous les héros sont prêts à mourir pour DURYODHANA. Là aussi, l'ambiguïté demeure. L'amour humain a pour corollaire la loi de la gravitation universelle, qui empêche les planètes d'entrer en collision, et la matière de se désintégrer. L'éveil de la Conscience actualise, de manière exponentielle, la faculté d'Amour; mais le contraire la diminue. Le combat existe entre les forces centripètes et centrifuges et, de leur équilibre, dépend la Vie universelle. Il n'y a donc jamais victoire d'une partie sur l'autre et c'est, là, la Vérité incommunicable car..., incompréhensible pour la plupart des gens. Que dit la géopolitique, d'ailleurs? L'amour est le Suprême équilibre entre deux formes d'énergie... C'est pourquoi il est Sagesse.

I.10

"On ne peut mesurer nos forces, que protège parfaitement BHISMA, l'ancien, tandis que les forces des Pandavas sont limitées, puisqu'elles n'ont, pour les défendre, que les soins de BHIMA."

DURYODHANA évalue ses forces, comme dans un jeu d'échecs, tout en sachant l'issue du combat. Cependant, il s'intéresse à l'échiquier en l'analysant scientifiquement. La portée spirituelle est évidente; nous l'analyserons plus loin.

BHISMA, le général, dirige les Kurus. Il est le plus émérite et le plus expérimenté par rapport à BHIMA, son homologue, qui commande les PANDUS.

L'expérience de la vie apporte la sagesse pour celui qui la cherche!

I.11

"Maintenant, vous tous, de vos positions respectives, apportez toute votre aide au vieux BHISMA."

I.12

"A cet instant, BHISMA, le grand et vaillant aïeul de la dynastie des Kurus, père des combattants, souffle très fort dans sa conque, qui résonne comme le rugissement d'un lion, réjouissant le cœur de DURYODHANA."

L'aïeul de la dynastie des KURUS sait que son petit-fils n'a aucune chance devant KRISHNA. Pourtant il souffle dans sa conque, dont le symbolisme est révélateur; en l'occurrence, l'écho provoqué par une coquille recourbée, appelée conque, est lugubre et plaintif, comme pour rappeler le chaos d'où est sorti notre univers. Cet écho est le son OM, la vibration chaotique qui, seule, selon la sagesse védique, remplit le vide universel et dont les parcelles sont répandues à l'infini, jusque dans les cellules du corps humain (confer: les Sittars, tome II).

I.13

"Alors les conques, bugles, cors, trompettes et tambours, se mettent à retentir, et leurs vibrations confondues provoquent un grand tumulte."

Nous avons une similitude dans l'application des sons à des fins parapsychiques, en Afrique noire. Ainsi, des sorciers noirs utilisent certaines modulations sonores pour affecter le psychisme de leurs sujets, soit dans un but thérapeutique, soit dans une intention de nuisance. Les égyptiens connaissaient ce genre de pratique et leur science s'est conservée au sein des anciennes peuplades, jusqu'à nos jours. Le rock and roll, comme les musiques "negro spiritual", est une espèce de musique à vocation érotique.

I.14

"Dans l'autre camp, debouts sur leur vaste char, attelé à des chevaux blancs, KRISHNA et ARJUNA soufflent dans leurs conques divines."

Là aussi, les symboles sont évidents. KRISHNA (le SOI) a offert le char (le corps) à ARJUNA, qu'il place sous l'égide du déva AGNI (le feu, l'énergie). Ainsi, ARJUNA peut franchir les trois mondes, céleste, terrestre et infernal, accompagné par KRISHNA. Sa victoire n'est qu'une question de temps.

I.15

"KRISHNA souffle dans sa conque, PANCAJANYA, et ARJUNA dans la sienne, DEVADATTA; BHIMA, le mangeur vorace aux exploits surhumains, fait retentir PAUNDRA, sa conque formidable."

Nous assistons au déclenchement des hostilités par la voie vibratoire.

I.16-18

"Le roi YUDHISTHIRA, fils de KUNTI, fait résonner sa conque, ANANTAVIJAYA; NAKULA et SAHADEVA soufflent dans la SUGHOSA et la MANIPUSPAKA. Le roi de KASI célèbre archer, le grand guerrier SIKHANDI, DHRSTADYUMNA, VIRATA et SATYAKI l'invincible, DRUPADA et les fils de DRAUPADI, et d'autres encore, O roi, comme les fils de SUBHADRA, tous puissamment armés, font aussi sonner leur conque."


I.19

"Le mugissement de toutes ces conques réunies devient assourdissant et, se répercutant au ciel et sur la terre, il déchire le cœur des fils de DHRTARASTRA."

Voilà que les vibrations émanées de KRISHNA ont des effets foudroyants et les conques des PANDUS provoquent des sons qui ébranlent les Kurus. Celui qui, du fond des ténèbres les plus profondes, prend refuge dans le SOI (KRISHNA), ne connaît plus la peur.

I.20

"A ce moment, O roi, assis sur son char, dont l'étendard porte l'emblème de HANUMAN, ARJUNA, le fils de PANDU, saisit son arc, prêt à décocher ses flèches, les yeux fixés sur les fils de DHRTARASTRA, puis s'adresse à HRSIKESA."

Les PANDUS sont favorisés par l'aide de RAMA, qui n'est autre qu'un aspect de KRISHNA (le maître des sens), dont les formes sont à l'infini, et dont l'emblème est porté par HANUMAN.

I.21-22 ARJUNA DIT:

"O toi, l'Infaillible, mène, je t'en prie, mon char entre les deux armées afin que je puisse voir qui est sur les lignes, qui désire combattre, qui je devrai affronter au cours de la bataille imminente".

Le corps, la matière, sont les aspects énergétiques que revêt le SOI. Soumis à la dualité, le champ de l’expérience sensorielle et sensuelle est le champ clos où s’affrontent, sans cesse, les pulsions contraires. Cheminant de vérité en vérité, la Conscience s’édifie et croît en conséquence.

Nous n’avançons pas, au sein de l’existence, d’erreurs en vérités. Une vérité peut être la perception d’une réalité transformée par notre propre subjectivité ou bien les limites de notre système sensoriel et cognitif. Prenons l’exemple de la formation d’un jugement de valeur :

a) Un événement est perçu par les sens.

b) Il est compris par l’intellect.

c) Puis, il est valorisé par l’affectivité.

d) Enfin il est révisé par l’intellect pour aboutir à une appréciation qualitative et quantitative.

Or, tout cet édifice psychique est limité aux capacités ontologiques du moment historique de l’Etre, à ses composantes neurologiques. Une vérité d’aujourd’hui sera l’erreur de demain ! Il en fut ainsi avec l’idée de la terre plate, puis ronde ; de même l’atome fut considéré comme insécable, puis sécable. Mais était-ce bien une erreur ou bien une vérité momentanée et devenue obsolète ? La notion d’erreur découle du maintien illogique d’un vérité devenue fausse par une expérience supérieure. La faute est un degré au-dessus dans l’échelle des vérités ; elle consiste à dénier l’ultime découverte contredisant les vieilles vérités, soit par conformisme béat, par intérêt, par fanatisme ou bien irresponsabilité, aliénation mentale. Il en est de même pour les « valeurs ». La dialectique de l’involution psychique pourrait se résumer de la sorte :

I) La terre est plate (vérité de l’instant).

II) La terre est ronde (nouvelle vérité – refus de l’admettre – erreur).

III) La terre est ronde, elle tourne autour du soleil, etc (encore une nouvelle vérité – refus de l’admettre – persistance dans l’erreur - faute).

Une vérité devient donc une erreur puis une faute si l’on n’y prend pas garde !

La Conscience chemine le long d’un fil rationnel du rasoir existentiel, à l’image du promeneur qui déambule le long d’une ligne imaginaire sur un beaucéant. Voulant éviter l’alternance des carrés blanc et noir, symbolisant la souffrance des contraires qui cherchent un équilibre par mutation supérieure, l’Esprit ne s’identifie jamais à la dualité qu’il transcende par l’immanence au SOI.

Allons plus loin ! Pour une chenille, le tronc d’un arbre n’est qu’un paysage de vallées et de monts dont le sous-sol est animé par de sombres séismes émanés par la sève. Que découvre la chenille dès qu’elle s’est métamorphosée en papillon ? Son autre mode d’existence mène l’insecte à une dualité différente dans la perception sensorielle de son nouvel environnement.

Encore plus loin ! Pour un individu montant vers le sommet d’une pyramide, le pan qu’il occupe constitue sa seule réalité ; les autres pentes lui sont invisibles et, par conséquent, ne s’insèrent pas dans son environnement objectif. Si nous symbolisions les arêtes pyramidales par des idéologies différentes et dogmatiques, les théoriciens et adeptes de chacune d’elles s’identifieront à la leur ; condamnant ou ignorant les voies empruntées par les autres. D’où les guerres de religion, de politique, etc. Seul celui qui atteint le sommet de la pyramide constate que toutes voies y mènent ; vers la relativisation des étapes de vie. La Vie est une en son essence et multiple en ses aspects. Où est la contradiction ? Vaste sujet ! L’évolution pourrait s’apparenter à une Contradiction permanente, vers une transcendance.

Les fanatiques qui revendiquent l’absolu de leur seule Voie peuvent devenir des Saints ! Seul celui qui domine toutes les Voies en dépassant les moyens, est un Sage. Il existe donc des Saints nazis, catholiques, protestants, islamiques, etc. Mais ils ne sont jamais des Sages. La Sagesse est l’accès à l’Universel qui est en SOI. Le manifester c’est être un Sage.

Le Sage est l’Etre qui ne s’identifie jamais à son environnement, ses idées et sa corporéité. Il sait que chaque plan, dans l’infini des modes de Vie, a son propre dualisme transcendantal, nécessaire. A enquerre !

I.23

"Que je voie ceux qui sont venus ici combattre dans l'espoir de plaire au fils malveillant de DHRTARASTRA".

KRISHNA parle avec son dévot un langage d'Amour. Il est HRSIKESA (la personne suprême). Leurs sentiments sont très purs et tendres. ARJUNA supplie KRISHNA, avec une joie calme et toute spirituelle, de bien vouloir conduire son char. ARJUNA est désespéré d'être obligé de combattre contre les siens, mais il a hâte de voir ses adversaires.

L'antagonisme entre le positif et le négatif est neutralisé par l'Amour... Qui ne l'a jamais su?

I.24 SANJAYA DIT:

"Sri KRISHNA a entendu la requête D'ARJUNA, O descendant de BHARATA, et il conduit le char splendide entre les deux armées".

ARJUNA est nommé GUDAKESA, dans ce verset, ce qui signifie "celui qui a vaincu le sommeil". Le sommeil est synonyme d'ignorance. ARJUNA a vaincu l'ignorance, sous l'amour de KRISHNA pour lui. Il a atteint le Samadhi (la conscience de KRISHNA - le SOI). KRISHNA est le maître des sens et du mental.

Notre corps est agi par l'énergie fournie par la Conscience. Il s'agit d'une réalité qui, malheureusement, échappe au commun des mortels.

Le SOI anime le CORPS à travers sa déambulation entre les contraires (les deux armées). L’abolition du dualisme par la non identification à l’Ego aboutit à la Réalisation du SOI.

I.25

"Devant BHISMA, DRONA et tous les princes de ce monde, HRSIKESA, le Seigneur, dit à ARJUNA: "Vois donc, O PARTHA, l'assemblée de tous les Kurus".

KRISHNA est le SOI résidant en chaque être. Il sait tout. Il désigne à ARJUNA tous les corps et véhicules matériels, dans l’infini cosmique, en l’attente potentielle de la Réalisation du Soi, bien qu’ils n’en soient pas encore préoccupés. Nul n’est prêt qu’à son heure !

I.26

"ARJUNA voit alors, dispersés dans les deux camps, ses pères, aïeux, précepteurs, oncles maternels, frères, fils, petits-fils et amis; avec eux, son beau-père et tous ceux qui, jadis, lui ont montré tant de bienveillance. Tous sont présents".

Tous les êtres vivants, réalisés ou pas, constituent une immense famille, sur terre et ailleurs...!

I.27

"Voyant devant lui tous ceux à qui des liens d'amitié ou de parenté l'unissent, ARJUNA, le fils de KUNTI, est saisi d'une grande compassion et s'adresse au Seigneur".

Pour le Sage, le combat est toujours un drame qu'il refuse de toutes ses forces. Il n'y a que le fou qui peut tuer sans vergogne. D'ailleurs, la psychiatrie moderne a découvert que les vrais soldats étaient des sociopathes; leur profil psychologique, pathologique, a été brossé et l'on sait, maintenant, qu'il existe des malades mentaux qui aiment la guerre pour la guerre. C'est donc à eux de se battre; entre eux évidemment...

I.28 ARJUNA DIT:

"Cher KRISHNA, de voir ainsi les miens, devant moi en lignes belliqueuses, je tremble de tous mes membres et je sens ma bouche se dessécher".

ARJUNA démontre sa qualité de Yogi par la compassion authentique qu'il porte à ses adversaires. Il a le cœur déchiré par la nature du destin qui les attend. Il voudrait l'entente et la compréhension mais cela est malheureusement impossible. Sa tendresse est infinie, comme celle de KRISHNA, mais le DHARMA transcende toujours l'ADHARMA.

Ce dernier concept est grave de conséquences didactiques. Y aurait-il un conditionnement originel en faveur du DHARMA ? En l’occurrence, il ne s’agit pas de victoire du DHARMA sur l’ADHARMA mais d’un duo qui s’apparente à un duel. Le champ illusoire du monde sensoriel donne naissance à la Réalisation du SOI.

I.29

"Tout mon corps frissonne et mes cheveux se hérissent. Mon arc, Gandiva, me tombe des mains et la peau me brûle".

Face à la mort, ARJUNA ressent la détresse. Toutefois, le DHARMA neutralise ceux qui empêchent son déroulement et c'est cette loi même qu'incarne ARJUNA. Sur le plan scientifique, DARWIN démontra que les espèces vivantes doivent s’adapter, muer ou muter, pour survivre en fonction des variations de leur environnement vital. Si elles n’y arrivent point, elles sont appelées à disparaître. L’hindouisme ne se limite pas à cette évidence car il suggère l’inéluctable possibilité, pour les recalés momentanés de l’évolution, d’un éternel retour aux conditions d’existences transcendantales. Il n’y a jamais aucune perte pour la pensée hindoue !

D’aucuns traduisent cette promesse par la notion de Réincarnation. Une forme peut sembler inutile quand elle dort ! Elle est seulement dans l’attente de son réveil, ou bien, ce qui plus fondamental, de son EVEIL. Il n’y a jamais de victoire de l’Esprit sur la Matière ; il y a mariage ontologique.

I.30

"O Kesava, je ne puis demeurer ici plus longtemps. Je ne suis plus maître de moi et mon esprit s'égare; je ne présage que des événements funestes".

ARJUNA vit une énorme angoisse, compréhensible. La victoire ne lui procurera aucune joie.

Ceux dont la victoire procure de la joie ne sont que des brutes. Aucune victoire en est une réellement. Et c'est la Sagesse. Comprenne qui pourra...! Le rétablissement de l’équilibre au sein d’un dualisme est catalyseur du DHARMA.

I.31

"Que peut apporter de bon ce combat, où sera massacrée ma propre famille? A pareil prix, O KRISHNA, comment pourrais-je encore désirer la victoire, aspirer à la royauté et aux plaisirs qu'elle procure?".

ARJUNA doute de sa mission car il faut détruire des parents et des amis, et d'autres encore qui n'ont que le tort d'être des ennemis. Son émotion lui fait oublier, un instant, la nécessité du DHARMA qui, pour les humains, est l'accès à l'état d'ISHWARA (autre nom pour désigner un Réalisé au niveau du SOI). Les adversaires sont, en la circonstance, tous ceux, parents et étrangers, qui ont œuvré contre les lois du DHARMA collectif. Ils sont voués à disparaître, obligatoirement et comme les dinosaures, s'ils ne se repentent pas de leur erreur, en s'amendant aussitôt. ARJUNA n'attend que cette repentance, mais en vain.

Tous les êtres ne constituent qu'une immense famille, dans les univers; à l'infini.

I.32-35

"O GOVINDA, que servent tant de royaumes, que sert le bonheur, à quoi bon la vie même, quand ceux pour qui nous désirons ces biens se tiennent maintenant sur le champ de bataille? O MADHUSUDANA, regarde. Toute ma famille, mes pères, fils, aïeux, oncles maternels, beaux-pères, petits-fils et beaux-frères, et mes maîtres aussi, tous prêts à sacrifier leur vie et leurs richesses, se dressent devant moi. Comment pourrais-je souhaiter leur mort, dusse je par là survivre? O toi qui maintiens tous les êtres, je ne peux me résoudre à lutter contre eux, même en échange des trois mondes, et que dire de cette terre."

Ici, ARJUNA appelle KRISHNA "GOVINDA", qui signifie "Source de plaisir pour les vaches et les sens de tous les êtres". On sait que KRISHNA possède une multitude infinie de noms qui reflètent les attributs auxquels on se réfère. La vache, animal sacré aux Indes, symbolise le monde créé et son lait, la vie. A ce propos, la majorité des occidentaux ridiculisent la vénération dont fait l’objet la Vache sacrée des Indes. Une indienne que nous avions interrogée, à ce même sujet : nous répondit :

« La Vache est comme notre Mère à nous tous. Elle nous donne son lait, de force. Alors elle est vénérée, respectée et immortelle. Car, à moins d’être fou, on ne tue pas sa Mère ! C’est pour cela que nous sommes végétariens ! Il faut respecter toutes les formes de vie. »

En occident, la cruauté atteint son comble. Après avoir exploité les vaches laitières pendant cinq années consécutives, elles sont réformées et menées à l’abattoir ! Horreur incommensurable. Entre temps, les monstres humains auront fait cuire les petits veaux dans le propre lait de leur Mère ; c’est ce que l’on appelle la blanquette de veau. N’oublions jamais les paroles suivantes :

« Tant que les hommes massacreront les bêtes, ils s’entretueront. »

PYTHAGORE

« Il y a, dans le regard des bêtes, une humilité profonde et doucement triste qui m’inspire une telle sympathie que mon âme s’ouvre comme un hospice à toutes les douleurs animales. »

Francis JAMMES

ARJUNA fait donc appel à la mansuétude de KRISHNA, pour qu'il pardonne aux adversaires du DHARMA. Il désire que KRISHNA, lui-même, détruise les sectateurs de l'ADHARMA. Il ignore que KRISHNA les a déjà tués, avant même qu'ils ne se rangent sur le champ de bataille, et que lui, ARJUNA, n'est que l'instrument du SOI. Les sentiments humains d'ARJUNA n'ont rien à voir avec la nécessité cosmique de l'accomplissement du DHARMA. De plus, si KRISHNA pardonne à qui blasphème contre lui, en revanche il ne pardonne pas à ceux qui offensent les dévots du DHARMA.

Nous retrouvons, là, une analogie avec la bible hébraïque où l'on voit Dieu pardonner à ceux qui l'offensent mais pas aux personnes qui ont porté atteinte aux dévots de la LOI (DHARMA). En d'autres termes, chacun est libre de ne pas obéir à la loi du DHARMA; toutefois il lui est totalement interdit d'empêcher autrui d'y obéir, sous peine de mort spirituelle, momentanée.

I.36

"Bien qu'ils soient nos agresseurs, si nous tuons nos amis et les fils de DHRTARASTRA, nous serons la proie du péché; un tel crime serait indigne de nous. Et de quel profit serait-il? O KRISHNA, toi l'époux de la déesse de la fortune, comment pourrions-nous être jamais heureux après avoir tué ceux de notre lignage?"

Selon les Védas, il existe six catégories d'agresseurs:

Les voleurs

Les adultères

Les meurtriers

Les usurpateurs

Les incendiaires

Les empoisonneurs.

Ces délits étaient condamnés comme des crimes susceptibles de la sentence capitale.

ARJUNA ne comprend pas encore les nécessités du DHARMA collectif, pour l'humanité.

I.37-38

"O JANARDANA, si, aveuglés par la convoitise, ces hommes ne voient aucun mal à détruire leur famille, nulle faute à se quereller avec leurs amis, pourquoi nous, qui voyons le péché, devrions-nous agir de même?"

Ce discours a une portée morale à l'égard des auditeurs de ce "Chant Epique" et qui consiste à faire comprendre que, hormis le cas précis du combat du DHARMA contre l'ADHARMA, toute forme de vie doit être préservée en une obligation cosmique. Aucun être humain n'a le droit d'ôter la vie.

ARJUNA est un "ksatriya" (guerrier) et, par conséquent, il ne peut pas refuser le combat. Cependant, il est désolé de voir qu'aucun membre de sa famille ne réalise l'issue de leur enténèbrement à tous. ARJUNA réalise qu'une obligation ne lie que dans la mesure où elle amène des résultats positifs et, doutant de lui-même, il refuse le combat.

Ici, nous avons l’évocation du détachement sensuel, comme voie vers la Réalisation intérieure.

I.39

"La destruction d'une famille entraîne l'effondrement des traditions éternelles; ses derniers représentants sombrent alors dans l'irréligion".

Faire périr les anciens, qui se doivent de transmettre la loi du DHARMA, est une faute capitale.

I.40

"Lorsque l'impiété, O KRISHNA, règne dans une famille, les femmes se corrompent et, de leur dégradation, O descendant de VRSNI, naît une progéniture indésirable."

Le VARNASRAMA-DHARMA fut conçu de manière à mener toute société humaine vers la Réalisation Spirituelle, sans tarder ni se presser ; réellement tout de même. L'adultère fut condamné avec sévérité pour des raisons sociales dont la nécessité de ne pas procréer de manière anarchique, afin d'éviter une population indésirable. Par la faute d'irresponsables, des enfants viennent au monde, malades, infirmes, débiles; ils encombrent la société sur laquelle ils pèsent. Dans une société riche, le problème est moins crucial que dans un pays pauvre... et les morales diffèrent selon l'urgence sociale. Tout est relatif.

Pour nous, issus de la culture judéo-chrétienne, ce genre de discours peut paraître dur. Certes, nous vivons dans une société développée qui possède les moyens d'assister les malades et infirmes. Mais que se passerait-il si le terrible "sida" infectait des nouveaux nés en grand nombre, par exemple? Quelles en seraient les conséquences pour l'espèce humaine?...

La réaction de l'opinion publique, sur la liberté sexuelle, s'inscrit dans la nécessité de donner un coup de frein à la licence qui aboutit, actuellement, à la propagation d'une maladie incurable et mortelle, dont les conséquences sont dramatiques pour notre société. Le sida a fait redécouvrir les bienfaits de la rétention de la libido, et du choix contrôlé des partenaires...

I.41

"L'accroissement du nombre de ces indésirables engendre pour la famille, et pour ceux qui en ont détruit les traditions, une vie d'enfer. Les ancêtres sont oubliés, on cesse de leur offrir les oblations d'eau et de nourriture".

Selon la tradition védique, il est requis d'offrir d'abord la nourriture à VISHNU (KRISHNA), puis les aliments sanctifiés par cette oblation, appelés "prasada", sont présentés aux ancêtres, les anciens et les vieux. Prasada est réputé délivrer tout homme sincèrement repenti de ses actions coupables, à condition qu'il ne les renouvelle pas, cependant... Autrement, ce serait trop simple...!

La prise en charge des vieux est naturelle chez les peuples évolués. Il n’y a que chez les peuplades primitives où l’on pouvait encore voir les vieillards abandonnés sur une banquise, par le esquimaux, ou bien dans la pampa par les indiens d’Amérique. Bien que, en occident, les anciens soient abandonnés dans les mouroirs ! L’ADHARMA y sévit donc !

I.42

"Ceux qui, par leurs actes irresponsables, brisent la tradition du lignage, ceux-là provoquent l'abandon des principes grâce auxquels prospérité et harmonie règnent au sein de la famille et de la nation".

La loi du DHARMA édicte des règles de conduite qui sont propres à mener l'humanité vers son destin solaire. Elle régit la famille et la société, de manière fondamentale.

Si les rois ou chefs d'état brisent ces traditions, alors les sociétés oublient le destin de l'humanité (KRISHNA), le SOI. C'est le chaos.

I.43

"Je le tiens de source autorisée, O KRISHNA; ceux qui détruisent les traditions familiales vivent à jamais en enfer".

ARJUNA énonce des constats qui remontent aux anciens. La connaissance est transmise par l'aide d'un Maître véritable. L’enfer est sur la terre quand les lois de l’équilibre et de la justice sont trahies.

I.44

"Hélas, par soif des plaisirs de la royauté, n'est-il pas étrange que nous nous apprêtions maintenant à commettre de si grands crimes?"

Au temps de la royauté, il n'était pas rare que les enfants tuent leur père pour en hériter; les frères se tuaient entre eux, neveux, cousins, époux, etc... L'histoire de tous les peuples relate des assassinats de ce genre. ARJUNA n'entre pas dans la catégorie de ces "diables rouges" mais, au contraire, il condamne de telles actions.

I.45

"Mieux vaut mourir de la main des fils de DHRTARASTRA, sans armes et sans faire de résistance, que de lutter contre eux".

Ce discours démontre, on ne peut mieux et s'il le fallait encore, l'immense grandeur d'âme d'ARJUNA qui se refuse à admettre le combat. C'est le signe d'un amour noble, d'une compassion infinie, d'une aristocratie du cœur et de la pensée qui le place au-dessus de la mêlée. Son Amour pour KRISHNA autorise sa peine.

I.46 SANJAYA DIT:

"Ayant ainsi parlé sur le champ de bataille, ARJUNA laisse choir son arc et ses flèches; il s'assoit sur son char, accablé de douleur".

ARJUNA a réussi toutes les épreuves initiatiques car il a démontré sa capacité intrinsèque à ne pas obéir à des instincts belliqueux. Bien que protégé par KRISHNA, il ne veut pas combattre ses ennemis, tout en sachant qu'il en sera vainqueur.

ARJUNA est placé au-dessus de tous les hommes car il est prêt, par une disposition intérieure, particulière, à réaliser le SOI, la connaissance spirituelle.

CONCLUSION DU PREMIER CHAPITRE

Le champ de bataille où s'affrontent les PANDUS et les KURUS, reflète la dualité de toute forme d'existence. Chaque combattant symbolise l'une des forces en présence dans l'univers.

Le DHARMA est la nature même de toute la création; l'ADHARMA est la force contraire qui cristallise et freine l'évolution, tout changement.

ARJUNA entre dans le conflit, après avoir choisi de servir KRISHNA. Nécessité obligeant, tout Yogi est en lutte contre les forces adverses qui empêchent l'humanité de progresser et d'avancer vers la Lumière. Tout Yogi est donc un guerrier.

Chaque Sadhak (cherchant, souffrant et persévérant) connaît, un jour, le combat d'ARJUNA et vit ses expériences. Dés que l'homme se tourne vers la lumière, il provoque la réaction opposée des ténèbres, qui sera matérialisée par des oppositions multiformes; ce sont des amis, relations, parents qui considèrent l'existence différemment et n'acceptent pas le changement et l'impermanence de leurs convictions. Ils sont donc forcés à déclarer la guerre, attitude incompréhensible pour les profanes, sous peine de convenir de leur erreur, ce qu'ils ne désirent pas...!

Il existe des personnes attachées à l'ordre établi d'une dictature, politique ou religieuse, et qui n'en démordent pas. Elles sont prêtes à utiliser tous les coups bas et sordides afin de démolir le "Yogi"... Il existe même des plans démoniaques, en astral, qui servent les tenants de l'obscurantisme et de l'intolérance.

ARJUNA s'adresse à KRISHNA (le SOI) pour lui demander d'être son conducteur. L'oblation de l'ego au SOI, est la Vérité. KRISHNA répond aussitôt à ses dévots.

KRISHNA (le SOI), le conducteur du char (le corps), avec ses chevaux (le mental), conduit chacun vers son propre SOI et les tendances secrètes qui s'y rapportent, vers les pulsions inférieures aussi. Avec la protection de KRISHNA, tout Yogi pourra affronter "amis" (ennemis...), parents hostiles, sans peine aucune. Mais il devra être prudent à l'égard de ses propres pensées, en agissant avec la prudence d'ARJUNA envers les siens.

Tout Yogi rencontre le découragement, pour des raisons multiples, à l'instar d'ARJUNA. La bataille se déroule aussi à l'intérieur de nous-mêmes, entre deux tendances opposées, et l'impulsion peut se produire de tout abandonner. Certains, effectivement, abandonnent la sadhana (l’ascèse, la discipline du corps et de l’esprit), pour la poursuivre dans des vies futures tandis que d'autres, comme ARJUNA, écoutent la voix silencieuse de KRISHNA et combattent victorieusement.

Il existe deux catégories d'êtres humains:

Les faibles qui se vautrent dans la fange des croyances et ignorent la Vérité, le SOI.

 Les forts (ksatriyas) qui combattent contre leur enfer intérieur, afin de réaliser le SOI (KRISHNA).

Ce premier chapitre est fondamental à comprendre. Le méconnaître, pour ensuite lire la suite, serait catastrophique. La BHAGAWAT GEETA est le livre du "Grand mystère" de la création et de la vie. Ce problème est à résoudre, pour soi même et par soi même. C'est pour cette raison que VYASADÉVA, à qui l'on attribue ce poème épique, plaça au début ce conflit dans lequel les deux principes maîtres sont ARJUNA et KRISHNA (shakti et atman).

La Bhagawat Geeta a une suite méconnue, l'ouvrage intitulé Anu Geeta où nous découvrons ARJUNA en train de marcher avec KRISHNA dans le palais de Maya (l'illusion du monde manifesté). Dans ce texte, la bataille est terminée et ARJUNA demande à KRISHNA de lui rappeler ses enseignements, prodigués auparavant, dans la Bhagawat Geeta. KRISHNA, le Guerrier des guerriers, accède à sa requête.

Le palais de Maya est notre corps édifié par le désir. Tous les conseils dispensés dans ce poème proviennent de nos précédentes réincarnations, des leçons apprises au sein de la Matière (qui n’est que de l’Energie Universelle coagulée).

Le premier chapitre se termine sur l'abîme du découragement, que tout Yogi rencontre au cours de sa sadhana. Mais cet abîme est derrière nous... car toute la création, tôt ou tard, doit obéir à la loi du DHARMA, librement acceptée et consentie comme tremplin vers une étape évolutive, supérieure. Concept lourd de conséquences et à bien retenir pour la suite.

Tout Yogi véritable sait que son combat pour la quête de la Vérité, aura son prix, prêt à aller partout où elle le mènera, même à la mort. Ainsi s'expliquent les mythes universels comme la destruction des mondes, le combat de KRISHNA contre RAVANA (le dieu démon) et celui de DURGA contre les démons.

La lutte du DHARMA contre l'ADHARMA, symbolisée par la guerre des PANDUS contre les KURUS, a toujours eu lieu et aura toujours lieu, dans les mondes actuels et futurs.

Car:

"Et lorsque le grand Roi de gloire vit le trésor céleste de la roue, il l'aspergea d'eau et dit: "Roule en avant, O mon seigneur la roue, O mon seigneur, va de l'avant et triomphe."