mercredi 18 juillet 2012

La symbolique et les symboles

  

LA SYMBOLIQUE ET LES SYMBOLES

 
"En vertu de la nécessité du Symbole, quand le sens des vrais symboles est perdu, le peuple en adore de faux".
Paroles du serviteur inconnu

"Ainsi toute la philosophie est comme un arbre dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences".
DESCARTES

DES SYMBOLES

 

La symbolique est la pratique des symboles, tandis que la sémantique qui la complète étudie le sens des mots. Le langage reste un moyen de communication et la langue est l'instrument qui sert à transmettre les idées. Le processus fondamental de la communication, par le langage parlé, consiste en une association psychique entre deux termes réunis:

a) La forme signifiante.
b) Le concept signifié.

Ensuite interviennent les deux phases de l'évocation du nom par la chose et celle de la chose par le nom.

Des chercheurs comme OGDEN et RICHARDS ont résumé ces processus selon le schéma suivant:

Référence au concept signifié (a)

Symbole; à la fois forme signifiante et son image acoustique (b) Référent ou chose nommée(c)

Commentaires

La liaison est indispensable entre (a) et (b), (a) et (c); une liaison indirecte existe entre (b) et (c).

Les raisons sont évidentes. La notion de symbole peut se trouver dans la sémantique comme en dehors d'elle. Selon l'étymologie grecque, le symbole est un signe de reconnaissance formé par les deux moitiés d'un objet brisé, qu'on rapproche. Plus exactement, le symbole réside dans l'une de ces moitiés car, après avoir réuni les deux parties, nous avons la réalité de l'objet ou du sujet. Par conséquent, la moitié d'un objet est l'image, le signe de son autre moitié absente, d'une part, puis le symbole de son tout, d'autre part. Ainsi le signe peut être la catalyseur d'une attitude de la pensée qui se tend vers ce qui est absent.

Le symbole est aussi défini comme "ce qui représente autre chose en vertu d'une correspondance analogique". L'analogie est une identité du rapport qui unit, deux à deux, les termes de plusieurs couples. Cette même identité peut s'appréhender lors d'une expérience concrète ou d'une construction mentale.

Ces deux définitions complémentaires permettent de formuler qu'un symbole est un signe concret évoquant, selon un rapport naturel, un élément absent ou impossible à percevoir en un certain état actuel des choses. Par extension, c'est alors un signe autorisant le psychisme à entrer en résonance avec une réalité autre et dans le cadre d'une dimension différente.

L'accumulation des symboles, leur multiplication, aboutissent à des systèmes de pensée plus ou moins formels, selon qu'ils ont disparu devant la réalité qu'ils sous-tendaient ou, au contraire, se sont substitués à celle-ci par carence intellectuelle ou pour d'autres raisons. Il en ainsi, par exemple, pour la superstition qui revêt, souvent, un savoir disparu faute d'avoir été partagé et compris.

Aussi, peut-on constater que des symboles se confondent avec un savoir, bien que le lien avec la réalité ait été rompu avec le temps, et définissent la symbolique spécifique d'une religion, d'un courant idéologique ou politique. La dogmatique judéo-chrétienne est un modèle flagrant de faux savoir, avec sa symbolique bâtarde; le grand philosophe KANT l'avait dénoncé.

DE LA SYMBOLIQUE


Les diverses symboliques, de par le monde, sont pour la plupart des systèmes de pensée qui, à travers les civilisations et les ères, ont perduré sous la forme de récits fabuleux, de mythes religieux, initiatiques ou profanes. Ainsi la franc-maçonnerie, les églises et religions, sectes diverses ont-elles pour substrat des symboles dont la signification varie selon les écoles et les théoriciens eux-mêmes. Le sens originel ayant disparu, quantité de doctrinaires font catéchisme dont la variété des interprétations le dispute à l'élucubration.

Certes, les découvertes scientifiques, modernes, permettent la révision de concepts erronés en fonction de l'honnêteté des idéologues. Mais cette possibilité n'est pas toujours réalisée; ainsi, la dogmatique judéo-chrétienne refusa la thèse de COPERNIC et de GALILEE sur le mouvement alterné de circumduction et de circonvolution de la terre autour du soleil. Cette découverte n'avait pas de correspondance avec la symbolique à l'intérieur de la dogmatique catholique. Il fallut attendre l'année 1821 pour que le Vatican admette la rotation de la terre autour de l'astre solaire, et l'an 1992 afin que GALILEE soit réhabilité par les théologiens, à travers une bulle papale.

La mythologie contient des mythes, des fables et métaphores, souvent à l'imagerie populaire archaïque, ou prophétique selon les cas, et dont la caractéristique essentielle est la compensation d'un présent qu'on rejette au profit d'une quête à la dimension autre et considérée, à tort ou à raison, comme libératrice. Il y a une projection psychologie et psychique sur l'absence, l'aléatoire et l'altérité à travers et par l'imaginaire.

Les mythes peuvent anticiper l'avenir dans la mesure où ils véhiculent un coefficient important de l'inconscient collectif, nonobstant un éventuel dépôt scientifique, dont la sens a été perdu (l'alchimie n'est qu'un dépôt de ce genre et sa symbolique n'a pas été encore parfaitement décryptée). Ils conduisent les mentalités vers l'avenir, en ce qui constitue ses soubassements occultes.

L'enracinement des symboles s'effectue sur tous les plans de la personnalité. La mythologie conditionne l'individu de manière insidieuse et elle peut être bénéfique ou bien maléfique, en fonction des critères moraux, d'action, retenus par les sociétés humaines pour définir une normalité du comportement.

Les morales sont multiples et à l'infini. Elles dépendent de la moyenne statistique du comportement majoritaire, au sein d'un microcosme social et en une situation géographique donnée. Ce peut être, aussi, en regard du moment historique de l'évolution sociale; les paramètres de temps et d'espace sont déterminants, à cet égard.

L'interférence entre morale et symbole est évidente. Elle est particulière car il s'agit d'osmose culturelle aboutissant à une philosophie de l'existence dont les répercussions peuvent être énormes. L'exemple du catharisme est probant en la circonstance. L'exploitation, la tentative d'accaparement et de récupération de l'idéologie cathare, par le nazisme, en sont un aperçu.

La symbolique requiert, mobilise et conditionne à travers la mythologie et la sémantique, à condition que ses leviers d'action psychique soient actionnés par quelques politiques ou idéologues, toutefois. Si des psychologues réunissent les conditions favorables, par la propagande et la publicité, le viol psychique des foules est possible. Les mythes peuvent constituer une forme de programmation psychique, particulièrement efficace.

Le conditionnement est un automatisme de réactions provoquées et entretenues par un catalyseur. Certes, il ne saurait être question de remettre en cause des réflexes physiologiques qui sont libérateurs, comme les battements du cœur, la respiration, la digestion, etc... Il suffit de nous rappeler que, si nous avions à apprendre sans cesse, à chaque pas, à marcher puis à provoquer les pulsations cardiaques, à diriger la digestion et à respirer, notre énergie serait vite épuisée. Nous ne pourrions plus l'utiliser dans le domaine de la pensée supérieure. Ces conditionnements sont bénéfiques car ils favorisent l'épanouissement des facultés supérieures de l'être humain, comme pour l'animal d'ailleurs et les plantes, tout en respectant l'intégrité. L'évolution universelle des espèces en ayant été, en restant, le moteur En revanche, d'autres conditionnements prêtent à caution.

Le savant russe PAVLOV a démontré qu'un symbole peut se substituer à une expérience. Si on associe une perception: un signal optique, verbal, tactile, olfactif ou gustatif à un objet ou une situation (selon le principe déjà étudié dans le schéma plus haut), au terme d'une certaine habitude la seule sensation détermine l'expérience et la provoque. Ainsi, le son d'une cloche, un mot, le passage d'un courant électrique dans une partie du corps, deviennent le signal de la nourriture pour un chien entraîné à entendre ces bruits et à subir l'électrocution quand il mange. Alors, ces mêmes signaux suffisent pour le faire saliver et provoquer la sécrétion de suc gastrique, sans apport d'aliment.

Il est possible de rendre complètement fou un chat, par exemple, en l'habituant, d'abord, à entendre le son do avant de manger de la viande, et le son fa lors d'un coup de bâton sur son corps. Au fil de l'expérience, on rapproche le son fa du do, en descendant la gamme; mais on maintient les coups de bâton pour l'un et la viande pour l'autre. Lorsque les deux sons se confondent dans le do, le chat devient dingue. Alors il se jette sur un verre d'alcool, mis à sa disposition, et qu'il vide complètement afin de se guérir; il cherche, instinctivement, le neuroleptique qui le sauvera de la démence. Le film "Orange mécanique" relate une histoire analogue, concernant un être humain.

La découverte de PAVLOV fut lourde de conséquences dans les applications psychiatriques, contre les opposants au régime communiste, notamment. Elle est à la mesure de l'imagination la plus débridée.

Cet aspect terrible du conditionnement inhérent au signe ne concernerait pas le symbole proprement dit, si on en croit le philosophe H. PIERRON (confer: Vocabulaire de psychologie):

"...Le signe est donné par une perception conventionnellement associée, par intervention humaine, à l'expérience d'un objet ou d'une situation, perception d'un geste ou d'un mot par exemple, susceptible de se substituer à l'expérience de l'objet ou de la situation. Le signe et le symbole sont souvent employés en synonymie. Mais un signe qui peur rester indépendant de ce qu'il signalise sera plus exactement appelé symbole".

Ainsi la symbolique voudrait respecter les structures de la pensée en ne lui imposant aucun automatisme réactionnel, à priori. Par conséquent, la créativité imaginaire peut se manifester, sur le plan concret, en toute liberté. Mais cette théorie ne pourrait se justifier qu'à travers la perte du sens originel du symbole, pour le patrimoine culturel. Autrement dit, pour le sauvage d'Amazonie un poste de télévision serait un miroir magique, le symbole irrationnel d'une communication extra temporelle. Toutefois, si le folklore perpétue ce concept au sein des mentalités successives, dans le temps et l'espace, n'y aurait-il pas conditionnement intellectuel? Bien que l'approche de la réalité sous-tendue par l'appareil électronique soit presque effective puisque un écran cathodique est comme le miroir magique des contes de fées. Mais, d'où vient ce mode de raisonnement, dont l'efficacité reste étonnante? Y a-t-il un souvenir culturel, dans la tradition orale des conteur sauvages, de cet ordre magique? Dans l'affirmative, probable, il y aurait donc conditionnement inconscient.

Y aurait-il une forme de conditionnement absolu, inhérent à l'environnement existentiel, lui-même?

Par analogie, l'homme serait le symbole de toute la création. Cette notion est enseignée, aussi bien par les religions que les traditions initiatiques. L'être humain manifesterait une réalité universelle, encore inaccessible par la pensée mais que l'imaginaire pourrait saisir.

Dés lors, une multitude d'interrogations se posent. Sommes-nous déterminés ou libres; ou bien les deux à la fois et delà même de ces concepts. D'après la philosophie indienne, l'univers est la manifestation d'une conscience universelle. Les symboles pourraient être le mode de relation approprié à cet égard. Chaque parcelle du monde, du plus petit au plus grand, est une étincelle de conscience, symbole de la plus vaste encore.

Les idées de déterminisme et de liberté sont antagonistes. Le dilemme, qu'elles posent, constituent le symbole de la dualité chère au manichéisme. Mais l'humanité n'a point pu le résoudre. De quoi, ou bien de qui, ou bien de bien plus différent encore, cette ambiguïté est-elle le signe symbolique? L'imaginaire a beau se tendre, il n'atteint pas la réalité sous jacente.

La dualité a toujours été rendue de manière fantastique par les religions. Elle est le symbole autour duquel se sont articulés les systèmes de pensée les plus disparates (le manichéisme, le catharisme, le judéo-christianisme, la matérialisme, etc...). Nous avons le déterminisme inhérent aux lois naturelles et cosmiques, sociales, selon une forme immense de conditionnement (les hormones, par exemples). Relativement, on constate qu'il existe des différences au niveau individuel et qu'une liberté relative s'intègre dans l'absolu de l'Universel.

Ferait-on librement ce que fatalement on devait faire?

Mais la fatalité ne serait-elle point un symbole, à son tour?

Les religions ont voulu éradiquer le problème par une sorte de pirouette intellectuelle. Pour elles, l'absolu, Dieu donc, est déterminant. S'en affranchir c'est faire usage d'une liberté quasi luciférienne dont il convient de faire acte de contrition. Il revient à l'homme de se repentir de sa liberté pour se fondre au sein du déterminisme divin. La notion de liberté est liée au péché originel.

Le péché originel est aussi un symbole.

La contradiction entre le péché originel, permis par Dieu, et la nécessité fondamentale de s'en libérer alors que la divinité y a autorisé, ce paradoxe donc permet la solution du symbole. L'esprit humain avait essayé de rationaliser l'inconcevable symbole qui cacherait le secret de la vie. Comment? Par la condamnation de cette même question qui rendrait l'humain égal à Dieu.

Le concept de fusion est mal rendu par les mentalités. Il ne s'agit pas d'anéantissement, de dissolution au sein d'un océan cosmique (appelé Dieu, ou n'importe quel autre nom). En vérité, il s'agit d'une réalité autre:

"Imaginons A et B, deux êtres complètement différents, qui veulent fusionner. Comment vont-ils procéder?"

"A va s'approcher de B et incorporer son essence sans l'amputer; à la manière d'un aimant qui aimante sans rien perdre de sa propre faculté d'attraction."

"B va procéder de même."

"A sera devenu A B; B sera devenu B A; mais aucun n'aura disparu!"

Ce processus est celui que désigne le symbole du péché originel, à travers ses contradictions qui se résolvent d'elles-mêmes. C'est ainsi que le Yoga indien enseigne que la Réalisation du SOI est le fruit de la fusion entre le soi humain et le SOI cosmique. La liberté rencontrant le déterminisme, fusionnent ensemble pour devenir "autres" mais sans se perdre à travers l'anéantissement. Il s'agit d'osmose spirituelle.

Autrement, la vie n'aurait aucun sens. Que font les couples hétérosexuels?

La symbolique initiatique est essentiellement analogique et peut résumer, sommairement l'universel:

a) L'unité des univers et de leurs composants.

b) L'identité du plan de la conscience et de la matière.

c) Un rapport permanent entre la conscience (l'incréé) et la matière (le créé), pouvant être exprimé par la symbolique.

d) Une osmose des consciences

e) Une ascension vers l'état de la conscience cosmique, par fusion

f) Une évolution exponentielle vers un devenir à l'infini du temps et de l'espace et hors eux, au-delà d'eux, en deçà, etc...

La notion de connaissance est liée à la conscience: la symbolique est une forme de savoir intellectuel qui peut aboutir à l'éveil de la conscience. Il existe aussi, forcément, un symbolisme universel qui conditionne ses homologues contingents et relatifs, humains donc.

L'humanité vit au travers et par la symbolique car elle correspond fondamentalement à l'idée du philosophe:

"Tout ce qui passe est symbole"

GOETHE

Et nous passons!

lundi 16 juillet 2012

Un Homme dangereux



UN HOMME DANGEREUX…



« …Il reprit : »

« LANG, est-il licite de tuer l’ennemi de la patrie ? »

« Certainement, Herr Direktor. »

« Et d’employer contre lui le mensonge ? »

« Certainement, Herr Direktor. »

« Et la ruse la plus déloyale ? »

« Certainement, Herr Direktor. »

« Cependant, vous ne voulez pas employer la ruse envers le docteur VOGEL ? »

« Nein, Herr Direktor. »

« Pourquoi ? »

« Ce n’est pas la même chose. »

« Pourquoi ce n’est pas la même chose ? »

« Parce qu’il ne s’agit que de moi. »

Il fit « Ah ! Ah ! » d’un ton aigu et triomphant, ses yeux brillèrent derrière ses lunettes d’or, il jeta la règle sur la table, croisa les bras et eut l’air profondément satisfait.

« LANG, dit-il, vous êtes un homme dangereux ».

Le gardien-chef tourna la tête et me dévisagea d’un air sévère.

« Et savez-vous pourquoi vous êtes un homme dangereux ? »

« Nein, Herr Direktor. »

« Parce que vous êtes honnête. »

Ses lunettes d’or étincelèrent et il reprit :

« Tous les hommes honnêtes sont dangereux. Seules les canailles sont inoffensives. Et savez-vous pourquoi, gardien-chef ? »

« Nein, Herr Direktor ».

« Désirez-vous le savoir, gardien-chef ? »

« Certainement, Herr Direktor, je désire le savoir. »

« Parce que les canailles n’agissent que par intérêt, c’est à dire petitement ».